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LaVitaNova
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30 août 2007

Dling !

Dling !
Le bruit mat de la sonnette de l’entrée paraissait prévenir d’un état des lieux préalables. Un pavillon cossu de la banlieue ouest, un jardin au gazon fraîchement coupé ou une petite voiture d’enfant multicolore en plastique semblait ne marquer qu’un désordre tout relatif somme toute.
Voilà donc ou vivait désormais le « grand argentier » pensa Louise. Le petit mot de Titi ne lui disait que ça : « retrouve le grand argentier, il sait ce qu’il a à faire ». C’était plutôt curieux et énigmatique, mais justement, poussée par la curiosité –Titi avait il compté dessus ? – Louise avait ajourné ses vacances, et après quelques minutes de recherches, avait retrouvé les coordonnées du grand argentier. Un court coup de fil avait fait le reste : « C’est toi ! avait répondu le grand argentier. Passes demain, je serais à la maison ».
Pour l’occasion, en souvenir de leur jeunesse proto-révolutionnaire, Louise avait ressorti son béret rouge, le même que portait souvent le grand argentier en référence à Jipé, le chanteur des Innocents avec qui il partageait un physique dégingandé.
Ca doit bien faire 15 ans, pensa Louise au moment ou le « bzzz » de l’ouverture de la porte se déclenchait. Le temps qu’elle franchisse l’allée proprement gravillonnée –comme si elle venait d’être repassée- Grand Argentier avait était apparu pour l’attendre sur le pas de la porte. Il eut un bref sourire sans que Louise ne sût dire si c’était de la revoir, ou à la vue du bonnet rouge. Ils s’embrassèrent brièvement à la porte, et en la faisant entrer, il dit « C’est loin tout ça. » Tout ça, c’était Louise, le béret, ou les deux ?
Le pavillon était aussi cossu à l’intérieur qu’il paraissait l’être à l’extérieur. Du parquet ciré, de vieux meubles en bois massifs ou Louise reconnaissait ici et là des robots jouets que le grand argentier avait longtemps collectionné. Une bibliothèque, un piano, des pièces lumineuses, des tapis épais, un seul mur couvert de tableaux anciens et modernes ou Louise pensa reconnaître un Soulages noir sur noir. Et d’autres jouets multicolores éparpillés un peu partout.
« Alors tu es père de famille ? » demanda Louise.
« Oui, ça fait 3 ans, et le prochain est pour dans 6 mois. »
« Félicitations »…. Un blanc que Louise meubla d’un maladroit (pensa t’elle aussitôt) « Ca fait longtemps… ».
« Tu peux le dire ! Tu veux boire quelque chose ? »
« Un jus de fruit si tu as. Sinon, un verre d’eau. »
Grand argentier s’éloigna et revint quelques instants avec deux verres. « Jus de pomme » dit-il « Si je me souviens, c’est ce que tu buvais avant ».
« Et je continue » répondit Louise.
Devançant les questions qu’elle se posait, Grand Argentier lui dit ce qu’elle essayait de percevoir :
-Tu sais, pour moi c’est loin tout ça. Comme toi, ça doit bien faire 15 ans que je n’avais pas eu de nouvelles de Titi. Et franchement, je n’ai pas cherché à en avoir. A part ce colis que j’ai reçu pour toi de sa part il y a une quinzaine de jours. Ca m’a même surpris. Il n’avait pas ton adresse ?
-Non, j’ai pas mal bougé ces dernières années et depuis quelques mois je suis dans l’appartement que me prête une amie. Il aurait eu peu de chances de me trouver. Mais il a fini par dégotter –je me demande bien comment- mon numéro de portable. C’est son frère ainé qui m’a appelé juste avant la fin.
-Je ne savais même pas qu’il était si malade.
-Moi non plus.
Un silence…
- Alors ? Tu es toujours grand argentier ? Demanda Louise dans un sourire.
- Rangé des voitures, marié, père de famille, dans les affaires, installé comme on dit répondit il.
Louise sourit, repensant au Grand Argentier qu’elle avait connu. Celui qui venait d’une très bonne famille avait finalement décidé d’y retourner. Révolu, classé et oublié l’époque ou en rupture de ban permanente il côtoyait toute la petite bande.
Son surnom lui était venu de sa capacité à renflouer et financer les délires les plus hasardeux du petit groupe qui l’avait adopté. Il faisait rire tout le monde avec sa manie de tenter d’échapper à ses manières de jeune homme bien élevé et un peu vieille France en assortissant chacune de ses phrases des grossièretés les plus diverses, pour espérait il, avoir l’air plus dégourdi qu’il ne l’était.
« Passes moi cette putain de bière que j’écluse quelque chose avec ces pâtes de merde », « Bonjour tout le monde, vacherie de merde », « Saloperie de voiture de sa race, encore en panne »…
Désespérés, les parents de Grand Argentier n’en continuaient pas moins à alimenter le compte en banque de leur fils unique, qui précisément pour cette raison n’en continuait pas moins à les traiter par le mépris qu’il vouait à ces bourgeois. Aaah si seulement ils l’avait foutu dehors en lui coupants les vivres. Il aurait pu se réfugier chez les parents de Titi, scandalisés pourtant par ses manières désinvoltes, son attitude j’men foutiste, et son parler pseudo-populo, qui avait le don de les agacer au plus haut point. Les parents de Louise prenaient ça plus à la rigolade quand ils le rencontrait, mais poussait quand même un grand ouf de soulagement quand il se décidait à réintégrer le studio-bordel (comme il l’appelait) que ses parents lui avait acheté cash.
Ca avait duré ce que ça avait duré, 5 ou 6 ans quand même. Et puis pratiquement du jour au lendemain, sans raison connue en tout cas, Grand Argentier avait réintégré son monde. En moins d’un an il avait repris l’étude notariale de son père, épousé une jeune fille unique elle aussi, du même milieu que lui, et avait acheté ce grand pavillon ou il vivait désormais. Il avait viré sa vieille Fiat 500, ses jeans et ses cuirs, tout sauf –finalement- sa collection de robots en métal.
Louise, Titi, Sam, Toubib et les autres avaient du jour au lendemain disparu de ses fréquentations et de ses connaissances. Louise avait envoyé quelques cartes pour Noël ou son anniversaire auxquelles il n’avait jamais répondu, et puis Louise aussi de son côté était parti vivre sa vie.
Face à lui aujourd’hui Louise ne savait pas trop s’il était content de la revoir, ou si au contraire sa visite ne venait pas amener un peu de désordre dans une vie qu’il s’était acharné à rendre la plus lisse et raisonnable possible. Elle se rappela aussi les moments ou il avait souhaité partager avec elle plus que les litres de Jenlain qu’il ingurgitait quotidiennement. Elle s’était toujours demandée si cela n’avait pas été une des raisons de son adieu au petit groupe.
Grand Argentier interrompit ses vacances.
« Tu sais, je n’ai pas beaucoup de temps, Eliette doit revenir avec la gosse et on part en week end chez les parents. Je vais te chercher le colis que m’a envoyé Titi, OK ?
- Oui, bien sûr, je ne veux pas t’ennuyer, répondit-elle. »
Grand Argentier partit, revint quelques instants plus tard avec un petit colis emballé de papier kraft.
« Voilà. » dit-il, visiblement pressé d’en finir.
- Bon, et bien alors… j’y vais. Content de t’avoir revu.
- Moi aussi.
Louise franchit une nouvelle fois le portail au « bzzz » déclenché de l’intérieur de la maison. Elle s’engagea dans la rue, le colis de Titi sous le bras, un peu abattue par la froideur de Grand Argentier. Quelques dizaines de mètres plus loin elle croisa une jeune femme, suivie en arrière d’une petite fille très occupée à jouer dans le caniveau ou un micro torrent d’eau déclenché par la voirie déboulait dans la pente. Passant à leur hauteur, elle entendit la maman s’adresser à sa fille : « Louise, dépêche toi, Papa nous attend pour partir ».
Elle eut un petit sursaut en entendant le prénom, et continua sa route.

LBrooks

Louise Brooks dans "The Street Of Forgotten Men"

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Commentaires
L
@ Gilles Aitte<br /> ... et une fille dans chaque port...<br /> :-)<br /> L'explication pour G.A : Grand Argentier a dû en passer par une longue période de détox' avant que sa femme accepte d'envisager de faire des enfants avec lui.<br /> Ils ont gardé ça secret pour ne pas affoler les familles (dans ce milieu un ancien junkie, ça passe mal).<br /> En parralèlle, G.A. a dû see remettre sérieusement au boulot avant de pouvoir prendre la suite de la charge notariale de son père. c'est qu'on devient pas officier ministériel comme ça.<br /> Et comble de tout, quand la situation s'est éclaircie, G.A. et sa femme se sont aperçus qu'effectivement il allait leur être très difficile d'avoir des enfants.<br /> Leur fille est née après de longs traitements hormonaux et insémination artificielle.<br /> <br /> @ Fabrice.<br /> Ah mais si bien sûr ! On a le droit de digresser autant qu'on veut. Après tout c'est susceptible de nourrir l'histoire.
F
Ben justement, ça va servir pour la suite, ces 11 années… Si tu savais ce qu'il en a fait… Et pourquoi, brusquement, au bout de 11 ans, il se retrouve avec un enfant sur les bras…<br /> Comment ça, c'est pas dans l'histoire ? Ah bon, on n'a pas le droit de polluer l'auteur avec des digressions monstrueuses sur le passé de ses personnages ?
G
lettre, colis, on va ensuite apprendre que Titi lui a laissé un coffre dans une banque, puis un conteneur dans un port... Tout ça sans jamais savoir ce qu'il y aura dedans !<br /> juste un détail, vu le profil de GA, je trouve louche qu'il ait attendu aussi longtemps pour procréer : si mes calculs (rapides) sont bons, ils ne se sont pas revus depuis 15 ans, un an après avoir quitté la bande il se mariait, il est donc marié depuis environ 14 ans, son ainée a 3 ans, soit 11 ans sans môme dans ce genre de milieu, pourquoi ???
L
@ Anne.<br /> Ben oui c'est de la triche !<br /> :-)<br /> <br /> @ Davveld.<br /> Merci !<br /> Tu sais que tu peux intervenir dans l'histoire si tu le souhaites (Cf. le 1er post de ce blog).
D
Belle nouvelle ! Avec ce qu'il faut de mystère...
LaVitaNova
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